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58e Anniversaire
de l'Autonomie et 56e Anniversaire du Statut spécial |
Aoste, le 29 février 2004
Allocution de M. Stéphane Valeri
Président du Conseil National de la Principauté de Monaco
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les membres du Conseil de la Vallée
Mesdames, Messieurs, chers Collègues, chers Amis,
Lorsque le Président du Conseil de la Vallée d’Aoste, Ego Perron, m’a rendu visite au Conseil National l’an dernier, j’ai tout de suite beaucoup apprécié sa démarche. Ensemble, nous avons fait le constat que, malgré notre proximité géographique, malgré notre appartenance commune à l’arc alpin, la Principauté de Monaco et la Région valdôtaine se connaissaient fort peu, ce qui est certainement regrettable. D’emblée, un courant de sympathie s’est créé : le fait que nous appartenions à la même génération, que nous ayons le même souci de moderniser le fonctionnement institutionnel, l’importance que nous donnons aux aspects sociaux de la politique sans négliger pour autant la nécessaire liberté d’entreprendre, seule garante de la prospérité économique, tout cela nous a rapprochés. Très vite, nous avons parlé de projets communs.
Mais je ne m’attendais pas alors à me retrouver devant vous pour cette cérémonie officielle ! Je salue donc avec reconnaissance cette heureuse tradition qui consiste à inviter un Président de Parlement étranger à s’exprimer devant vous pour célébrer l’anniversaire de votre Statut d’autonomie. Croyez que j’en suis très fier et qu’à travers ma personne, je tiens cela pour un honneur qui rejaillit sur le Conseil National que je préside et, au-delà, sur la Principauté tout entière.
La Principauté de Monaco est un Etat que beaucoup de gens croient connaître, dont on parle souvent dans les médias avec beaucoup d’assurance, voire d’arrogance … et dont on mesure mal les réalités, telles que les Monégasques et les habitants les vivent au quotidien. Trop souvent, nous sommes attaqués de manière malveillante sur nos institutions, notre mode de développement économique et sur la lutte contre le blanchiment.
Bien sûr, le côté « glamour » ou « paillettes » est bien présent et certains magazines s’en font complaisamment l’écho à longuer de colonnes ou d’illustrations. Nous ne récusons pas l’existence à Monaco d’une vie mondaine brillante, où aiment à se retrouver bien des personnes célèbres à plus d’un titre ; cela fait partie de notre tradition et, au-delà même de nos frontières, on peut constater que c’est l’une des caractéristiques de la Côte d’Azur.
Mais il y a un autre côté de Monaco. Moins spectaculaire sans doute, mais au fond pas moins intéressant car c’est lui qui assure notre constance et notre pérennité, malgré une certaine vulnérabilité qui est la conséquence de l’exiguïté de notre territoire et de notre absence de ressources naturelles. Je veux parler de nos réalités institutionnelles, économiques et sociales.
Dans le domaine institutionnel, on croit trop souvent que la Principauté repose sur un système archaïque de monarchie absolue. Bien au contraire, les institutions démocratiques sont chez nous développées et structurées. Le Conseil National que je préside est un Parlement élu par l’ensemble des Monégasques majeurs. Il vote les Lois et le Budget de l’Etat. Il ne peut, certes, renverser le Gouvernement, car nous ne sommes pas dans un régime parlementaire ; mais aucune Loi et aucun Budget assurant le fonctionnement de l’Etat ne peut être adopté sans un vote majoritaire du Conseil National. Nos institutions reposent donc sur un dialogue permanent et la recherche d’un consensus entre le Gouvernement et le Conseil National.
Dans le domaine de l’économie également, beaucoup d’idées toutes faites circulent. Et l’on ignore souvent que la Principauté est un pôle économique incontournable de la zone Provence Alpes Côte d’Azur, et qu’elle contribue au développement économique de l’ensemble de la région. Monaco, par une politique économique dynamique et volontariste, assure une hausse constante de son chiffre d’affaires global (proche à l’heure actuelle de 10 milliards d’euros) ainsi qu’une diversification de son revenu national.
Quelques chiffres simples iront facilement, je le crois, à l’encontre des idées reçues, Ainsi, au cours des dernières années, le chiffre d’affaires dans le secteur du commerce de gros et de détail représentait 40% du chiffre d’affaires total ; 22% pour le secteur financier, 10% pour l’industrie, 9% pour les travaux publics et immobiliers, le reste – soit environ 20% - étant constitué par des activités tertiaires. Quant à la Société des Bains de Mer (SBM) et à ses casinos et hôtels, son apport ne représente que moins de 3% du Budget de l’Etat. On mesure bien là l’écart entre la réalité monégasque et les clichés véhiculés par les médias.
Cette bonne santé économique a pour conséquence le recours à une main-d’œuvre nombreuse. Monaco est un « bassin d’emplois » - suivant la formule consacrée – pour la région voisine. 40 000 emplois au total, dont 30 000 salariés, sont localisés sur le territoire monégasque, c’est-à-dire davantage que le chiffre de la population habitant Monaco, soit environ 33 000 personnes. Lorsqu’elles n’habitent pas Monaco, les personnes qui y travaillent demeurent en France ou même – c’est le cas de plusieurs centaines d’entre elles – dans la région frontalière italienne. Et pour assurer le maintien d’une population salariée de qualité, dont l’économie a besoin, la Principauté a engagé sur le territoire des communes françaises limitrophes une politique de construction d’immeubles domaniaux (c’est-à-dire appartenant à l’Etat) dotés de loyers modérés. Telle est la réalité des liens économiques très forts que Monaco entretient avec son environnement territorial.
Pour le futur, il existe de nouvelles perspectives de développement grâce aux terrains récupérés grâce à la mise en souterrain de voie ferrée, qui permettront l’installation de nouveaux pôles d’activités. Parallèlement, l’Etat consentira un effort particulier afin d’attirer sur le territoire monégasque des activités économqiues recourant largement aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ce sont là en effet des secteurs peu gourmands en espace (l’espace, vous l’avez compris, est malheureusement ce qui nous manque le plus), où la valeur ajoutée produite est importante et qui respectent l’environnement. Vous avez là les trois critères que nous privilégions pour les entreprises qui se créent sur notre territoire.
C’est pourquoi, du reste, Monaco a depuis longtemps mis l’accent sur le développement des activités financières : banque traditionnelle, mais également gestion de patrimoine (« private banking ») et développement de services personnalisés et innovants. Très dynamique, ce secteur est sans doute promis à une nouvelle expansion au cours des prochaines années. Dans ce domaine, les professionnels de la place monégasque ont acquis un savoir-faire certain et reconnu, qu’ils ont manifesté au cours de ces dernières années en conservant un haut niveau d’activité en dépit de la tourmente boursière.
Quant’à l’Etat, s’il joue un rôle de stimulant pour les activités financières, il est loin cependant de pratiquer une politique de laisser-faire qui serait coupable et dommageable en face de la menace que représentent les circuits de blanchiment de l’argent issu d’activités illégales, et plus spécialement du crime organisé. Le dispositif monégasque anti-blanchiment date de 1993 et s’est voulu d’emblée très complet, puisqu’il fait peser l’obligation de déclaration de soupçon non seulement sur les institutions financières (banques, établissements de crédit), mais encore sur les acteurs de la vie économique tels que les notaires, les experts-comptables, conseils juridiques et financiers, agents immobiliers et commerçants en objets anciens ou précieux.
Pour la mise en œuvre de cette législation, un Organisme spécialisé dans la réception et le traitement des déclarations de soupçon a été institué : le Service d’Information et de Contrôle des Circuits Financiers, en abrégé SICCFIN qui coopère activement avec ses homologues des Pays avec lesquels la Principauté entretient davantage de rapports peut déboucher sur des résultats. Aujourd’hui, des accords administratifs d’entraide et d’échange d’informations ont été passés entre le SICCFIN et treize de ses homologues.
Par ailleurs, un audit du Fonds Monétaire International, demandé par la Principauté en septembre 2000, confirme que Monaco possède un cadre juridique satisfaisant et une réelle volonté de coopération pour la lutte contre le blanchiment.
Monaco avait également demandé à adhérer au GAFI (Groupe d’Action Financière, émanation de l’OCDE). La Principauté devrait en tout cas pouvoir adhérer prochainement à ce que l’on pourrait appeler un « GAFI régional », le PC-REV, destiné aux Pays membres du Conseil de l’Europe. Dans cette perspective, l’évaluation de notre dispositif anti-blanchiment par le Comité « Moneyval » en 2002 confirme et vient encore renforcer les conclusions positives du FMI. On est bien loin, là encore, des images malveillantes véhiculées par certains journalistes et hommes politiques, jaloux sans doute de nos succès.
Coopération : ce maître-mot en matière de relations internationales me conduit tout naturellement à me tourner vers les Autorités et vers le peuple valdôtain pour évoquer avec vous quelques sujets d’intérêt commun qui pourraient nous rapprocher davantage.
Je mesure toute l’importance du Statut d’autonomie dont vous fêtez, dont nous fêtons ensemble aujourd’hui l’anniversaire. Il constitue la reconnaissance solennelle de votre identité au sein de la République italienne ; et je crois qu’aujourd’hui, au sein d’une Europe en construction et dans un contexte de mondialisation, il s’agit d’un élément tout à fait déterminant. Je voudrais rendre hommage à la détermination du peuple valdôtain et à sa volonté de défendre son identité, qui lui ont permis de se doter d’une organisation dont il peut légitimement être fier. Votre réussite économique est également la preuve éclatante de vos qualités, et j’ai d’ailleurs relevé que le Budget de votre région par habitant était l’équivalent du Budget par habitant de l’Etat monégasque. Ce rapprochement est tout à fait significatif.
C’est par une démarche assez similaire dans son esprit que Monaco a souhaité, au cours de ces dernières années, un réexamen en profondeur de ses relations avec la France. Au niveau politique, d’abord, le Traité de 1918, conclu à la fin de la Première Guerre Mondiale et dont les termes étaient devenus obsolètes, a été revu en profondeur. Le nouveau texte, en date du 24 octobre 2002, devrait être ratifié prochainement. Il ouvre notamment la possibilité pour Monaco de développer son réseau diplomatique et de manifester ainsi davantage sa présence au niveau international. Dans le prolongement de cette première négociation aujourd’hui achevée se déroulent des pourparlers destinés à actualiser la Convention franco-monégasque de 1930 sur les emplois publics, l’objectif étant de permettre aux citoyens monégasques, pour autant qu’ils en aient les compétences, d’accéder à la totalité des emplois publics de leur Pays, alors que jusqu’ici certains emplois de la Haute Fonction publique monégasque sont réservés à des Français détachés de leur Administration.
Nous sommes nous aussi très attachés à préserver nos particularismes, dans le cadre des discussions que nous menons en vue de notre adhésion au Conseil de l’Europe.
Je me réjouis de penser que désormais le Val d’Aoste et la Principauté de Monaco vont se connaître davantage. Je sais combien vous êtes attachés à votre participation aux travaux de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Monaco, qui a signé la Charte de Niamey en 1960 et qui s’honore à ce titre d’être l’un des Etats fondateurs de la Francophonie, ne peut que se féliciter de voir l’attachement que vous manifestez aux valeurs linguistiques, culturelles et de coopération qui sont au cœur de l’action de la Francophonie institutionnelle.
De notre référence commune à la langue française, nous devrions peut-être tirer l’origine d’une coopération culturelle bilatérale. La politique culturelle monégasque se veut marquée par des réalisations de prestige dans le domaine de la musique, de l’opéra, des ballets et des expositions d’arts plastiques. Mais nous avons aussi une vie associative, animée par quelques passionnés, et caractérisée aussi par un niveau élevé de qualité. Je songe par exemple à nos troupes de théâtre, qui pourraient se faire connaître auprès de vous. Ou encore à nos créateurs dans le domaine des arts plastiques, avec lesquels des contacts pourraient se nouer, des échanges s’amorcer, en permettant par exemple à des artistes valdôtains d’exposer à Monaco et aux artistes monégasques de se faire mieux connaître et apprécier au Val d’Aoste.
Dans le Val d’Aoste comme à Monaco, le tourisme est un élément essentiel de la vie économique. L’empreinte du visiteur, qu’il soit de passage ou qu’il choisisse de prolonger son séjour, marque fortement la vie quotidienne des habitants. Nous avons certainement dans ce domaine des expériences à partager, des compétences à associer, et peut-être une promotion réciproque à réaliser, car nous sommes évidemment complémentaires puisque nous appartenons respectivement à une région maritime et à une région de montagne. C’est pourquoi j’ai souhaité la présence dans notre délégation d’un représentant du Bureau de Tourisme de Monaco à Milan ; je le remercie d’être présent auprès de nous et souhaite que cette visite porte également ses fruits dans le domaine qui est le sien.
Au-delà du tourisme, la recherche d’une coopération économique plus large entre le Val d’Aoste et la Principauté de Monaco me paraît tout à fait judicieuse. En ce moment même, le « Monaco Ambassadors Club », association regroupant des entrepreneurs et dirigeants de grandes sociétés établis à Monaco, est présent à Aoste. Leur programme est chargé et diversifié. Je le salue chaleureusement et leur souhaite une visite à la fois agréable et porteuse de projets prometteurs. Quant à Mme Catherine Fautrier, qui est Conseiller National et Présidente de Commission, elle représente en outre la Chambre de Développement Economique – équivalent d’une Chambre de Commerce – dont elle est le Directeur adjoint, et c’est à ce titre qu’elle mettra à profit sa présence ici parmi nous pour amorcer des contacts avec des chefs d’entreprise et décideurs économiques.
Vous l’avez compris : mon vœu le plus cher est que cette visite ne soit qu’un commencement. Cela tient pour beaucoup à la chaleur de l’accueil que j’ai trouvé ici, à la communauté de vues qui est la nôtre avec les dirigeants de la Région. Je voudrais, au nom de toute ma délégation et en mon nom propre et au nom du Conseil National tout entier, vous dire un grand merci pour ces moments exceptionnels que vous nous avez permis de passer auprès de vous.
Vive le Val d’Aoste ! Vive le peuple valdôtain ! Vive Monaco ! Et vive l’amitié entre nous !
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